Une simple tablette … et un week-end peut passer aux oubliettes ! Installés au gîte Oxygène, le patron ne manque pas d’air ! Convivial, chaleureux, un accent à couper au couteau, on ne comprend pas tous ses mots … mais, ô miracle de la technologie, sa tablette greffée à la main il est connecté avec le divin ! Il est vrai que le ciel est maussade, quelques gouttes de pluie arrivent avec la nuit « demain, pour vous la Punta Escuzana, c’est nada, le Taillon, c’est non ! » ce sont ses potes spécialistes de la météo qui viennent de lui envoyer des messages de l’au-delà !
Tandis que l’ensemble du groupe est plongé dans la perplexité, Alain, notre guide « suprême »un peu blême, ne s’en laisse pas conter « demain sera un autre jour, nous modifierons notre projet si besoin est ». 6 h 45, à peine le pied par terre, le rideau de la chambre est levé, ciel bouché, Cirque de Gavarnie invisible, brouillard à couper au couteau … tout pour démotiver la troupe Accro Rando qui, pourtant, garde intacte son envie de partir à l’assaut des deux sommets programmés. Notre hôte, toujours muni de sa tablette divine, revient à la charge mais semble avoir mis un peu d’eau dans son vin, le mauvais temps pour aujourd’hui samedi, c’est certain, pour dimanche ça devrait être plutôt bien ! Message de la météo, nous dit-il, la preuve les clichés matinaux pris à 8 h 04 tout en haut !
Pas de panique, s’il fait vraiment très mauvais ce soir nous reviendrons, si le temps est correct nous camperons. Voitures garées sur le parking du col des Tentes, 10 zombies capés de la tête aux pieds, dos voûtés par le poids des sacs à dos chargés, partent sans trop de conviction avec en point de mire l’ascension du Pic du Taillon. Assez rapidement, nous croisons deux courageux randonneurs qui nous disent arriver du versant espagnol ensoleillé ! D’un seul coup tout s’envole, les capes, les anoraks, à nous les punta, pic, col, brèche… Alain a eu bon nez, il faut suivre son instinct et raison gardée. Quelques descentes scabreuses, des chemins aux abords fleuris … et même des edelweiss pyrénéens, preuve qu’ils ne sont pas tous alpins ! En approche de la Punta Escuzana qui culmine à 2847 mètres, nous laissons nos sacs se garder tout seul, et c’est le corps léger et l’esprit enjoué que nous atteignons le sommet balayé par un vent léger et où l’air est un peu frisquet. Coutume oblige, tout le monde s’embrasse, se félicite pour l’exploit réalisé, le moment de contemplation passé redescend … comme il est monté !
Une grande prairie, lieu idéal pour le bivouac. Chacun vaque à ses occupations, Ghislaine atteinte du syndrome « Manon des Sources » reste des heures assise auprès d’une source, plutôt un goutte à goutte, à remplir nos gourdes, au loin le Taillon, une visite puis deux puis trois … des isards effarouchés mais suffisamment curieux pour s’approcher à quelques mètres de notre campement. Etonnant ! Que dire du dîner, si ce n’est que notre « chef » a fait fort, une soupe chaude, fromage et dessert … mais surtout Bolino (hachis parmentier chaud, le must !) une première pour la plupart d’entre nous, maintenant que l’on sait ce qu’est le Bolino, on ne peut être qu’accro ! On ne va pas se le cacher la nuit ne fut pas sereine pour plusieurs. D’un côté, les nantis bien installés dans leur petit nid douillet qui se sont levés tout guillerets, de l’autre, les démunis ayant très mal dormi à cause du froid … et des causants qui pensent que leurs voisins sont malentendants ! Bref, tout va pour le mieux, petit déj’ comme à la maison, il est un peu plus de 8 heures lorsque nous partons.
Première ascension, Fabienne a une baisse de tension. Sac allégé, sucre avalé, la voilà requinquée ; quelques névés traversés, le Pico Blanco contourné, devant nous s’élèvent la Brèche de Roland, le Doigt, et le Pic du Taillon. Où va-t-on passer pour atteindre ce fameux sommet ? Jacques n’a plus la trace, par la gauche la voie paraît pénible, par la droite guère plus facile. Soyons fous, allons jusqu’à la Brèche et de là nous gagnerons le Taillon. C’est sans compter les éboulis plus qu’instables, sur un pierrier quasi inabordable. Grande frayeur, sur les conseils éclairés des pratiquants entraînés les néophytes ont assuré. Vidés et affamés, nous nous installons au creux d’un rocher humide pour reprendre quelques forces avant d’attaquer le point culminant de notre virée, les 3 144 mètres du Pic du Taillon. Nos sacs mis à l’abri, nous voilà repartis délestés mais motivés plus que jamais, nous arrivons au pied du « doigt », sorte de rocher dressé, l’évitons et grimpons, grimpons … Arrivés sur le sommet aplati du Pic du Taillon, quelle récompense ! Une féérie de paysages, côté espagnol, les endroits que nous avons traversé avec bravoure, côté français, le glacier, le refuge des Sarradets …. Et tout au loin le parking, minuscule, point final de notre super épopée. Re-embrassades, logique nous rentrons –pour plusieurs d’entre nous- dans la catégorie des conquérants de 3 000 ! Retour par la brèche, Roland n’est pas là pour nous saluer, tant pis ! peut-être reviendrons nous un jour le revoir ! Un passage neigeux, une descente caillouteuse sévère, nous voilà au refuge. Encore une bonne heure, avec traversée d’une cascade heureusement peu vigoureuse, c’est à 18 heures 30 que ces 2 jours hors du temps et des contraintes se terminent.
Vous dites « Accro Rando, un club qui marche », dorénavant il faut aussi dire « Accro Rando, un club qui grimpe ».
Récit d’Annie, marcheuse d’Accro Rando
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